05 mai 2013

Plutôt que d'être censuré, son vidéoclip aurait dû être encensé...

Faut-il mettre en scène systématiquement la violence pour réaliser qu'elle existe ? C'est la question qui m'est venue à l'esprit en apprenant le scandale du vidéoclip de la chanson College Boy du groupe Indochine. Un peu inquiète à l'idée que j'allais voir quelque chose d'extrêmement violent, j'ai choisi mon moment pour le visionner. « Suis-je donc devenue un monstre ? » me suis-je demandé par la suite, alors que je ne m'étais pas écroulée de peur devant toute cette violence... Pourtant, je crois bien que non. Je m'explique. Le travail de Xavier Dolan est encore une fois remarquable et son clip est d'une grande beauté. Il accompagne toutefois une chanson qui, selon moi, n'est absolument pas à la hauteur. 


D'habitude, je suis du genre pleurnicharde quand un sujet me touche (à la première du film Philadelphia, je pleurais déjà à chaudes larmes au générique d'introduction...); je fige de peur au moindre suspense et je suis incapable de voir un film d'horreur. Vous voyez le genre. Le vidéoclip College Boy est violent, certes. On nous prévient que la dernière scène est extrêmement difficile à voir. Une des raisons qui l'ont mis au banc des accusés. Pourtant, selon moi, ce n'est pas cette surdose d'hémoglobine (quelle bonne idée que ce noir et blanc) qui est violente. On en voit de telles au cinéma ou pire dans notre actualité. Non, la vraie violence du clip, elle se situe dans les yeux des personnages. Autant ceux pleins de méchanceté des bourreaux, que ceux teintés de tristesse de l'intimidé et ceux baissés ou bandés de témoins forcément complices. C'est cette violence qui nous en met plein la vue car elle nous renvoie en pleine face les dérapages de notre société. Ces dérapages que l'on ne veut pas voir.

Au lieu de cette censure décrétée par des organismes bien-pensants qui prétendent protéger nos jeunes d'images trop déstabilisantes, ce vidéoclip aurait dû être plébiscité pour qu'il serve de prétexte à une prise de conscience collective (ados et adultes), à la fois de l'absurdité de tels gestes et de l'hypocrisie qui entoure l'intimidation née du jugement facile des autres. Ces images-chocs sont tout aussi importantes que les campagnes télévisuelles payées à coups de millions de dollars par nos gouvernements au sujet des accidents du travail, de la route ou tout récemment de la santé mentale, devenus véritables enjeux de santé publique. Au-delà de la publicité qu'il sert sur un plateau d'argent à la sortie du nouvel album du groupe Indochine, ce vidéoclip en est une pour (r)éveiller les consciences. 

Quand la chanson aura fait son temps, parlera-t-on encore de ce fléau qu'est l'intimidation ? On peut en douter... À ce propos, vous aurez certainement remarqué que les scènes ont lieu dans un collège ou un lycée qui est loin de l'image de la polyvalente délabrée où s'entassent des jeunes à problèmes. Est-ce un parti pris de son réalisateur ? Peut-être. Il nous laisse ainsi le choix de décider, comme il le fait avec son «merci» de fin.

Pour revenir à la question précédente, on en reparlera malheureusement certainement à la prochaine catastrophe, celle d'un jeune qui aura décidé de nous planter là. Pourtant, bien souvent, des adolescents malmenés ouvrent une petite porte sur leur désespoir ou lancent à leur manière un appel à l'aide à une société qui, malheureusement, ne prête pas suffisamment attention à ses jeunes ou alors seulement pour les blâmer. Assimilée dans du spectacle médiatique, les gestes irréparables de certains d'entre eux laissent un goût amer et des annonces en grande pompe de bonne volonté. En complément des politiques, des procédures ou des mesures préventives, certes nécessaires, je propose donc ceci: ne détournons plus le regard, et plongeons-nous dans les yeux de ceux et celles qui nous entourent. Ces yeux qui disent tout avant même qu'ils n'ouvrent la bouche... 

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