Vous allez peut-être me trouver sans cœur en lisant les premières lignes de
mon billet. Sans cœur car j’ai choisi un événement qui a bouleversé le Québec
pour développer mon propos, soit l’enlèvement du bébé à l’hôpital de
Trois-Rivières. Or, sachez que j’ai un cœur gros comme ça et j’imagine bien les
heures d’angoisse qu’ont dû vivre les parents et leurs proches. Fort
heureusement, le poupon a été retrouvé quelque trois heures plus tard.
Première constatation : pourquoi s’étonner toujours autant de l’impact
des réseaux sociaux comme si on venait de découvrir leur existence ? Ils
font pourtant partie de notre quotidien depuis pas mal d’années. De plus, leur
raison d’être est d’être viral. Viral comme dans virus ; donc c’est sensé
se propager rapidement, non ?
Deuxième constatation : avait-on vraiment besoin de publier une photo
gros plan du bébé avec sa petite peluche ? Aurait-on pu respecter l’intimité
et le soulagement des parents plutôt que de les jeter en pâture médiatique
notamment avec cette entrevue dans leur chambre d’hôpital ? Déboussolés,
j’imagine qu’ils n’ont pas vraiment eu toute la force nécessaire de repousser
la horde de journalistes-vautours à leurs trousses. Quel exploit pour celui ou
celle qui décrocherait LE scoop… (il faut dire que ces journalistes répondent à
la commande de patrons empêtrés dans une quête de rentabilité avant tout, au
détriment de la qualité).
Même Radio-Canada joue dorénavant le jeu de cette information voyeuriste,
facile et rabâchée. Au lendemain de l’événement, du matin au soir, chaque
bulletin d’information et plusieurs émissions notamment sur Ici Radio-Canada
Première ont fait leurs choux gras avec la nouvelle. Plutôt que de revenir sur
des faits désuets (le retour sur les événements) et des détails pour faire pleurer
dans les chaumières, il aurait pourtant été opportun de se demander comment une
jeune femme de 21 ans autrefois pimpante et pleine de vie en était-elle arrivée
à commettre un tel acte (une sorte d’appel à l’aide ou même de suicide)
gonflée à bloc de médicaments et de détresse ? Quel constat devrions-nous
en tirer sur l’état de notre société ? Devrait-on revoir la prise en
charge des personnes – de plus en plus nombreuses – aux prises avec des
troubles mentaux ? Car, ne soyons pas dupes, il faut s’attendre à des actes de plus en plus violents.
Un autre exemple de cette information sensationnaliste et voyeuriste ?
L’accident de vélo de Pierre-Karl Péladeau. Pendant toute une journée, nous
avons entendu le récit de sa chute et son bilan de santé officiel. Je comprends
qu’il s’agit d’une personnalité publique mais de là à répéter ad nauseam qu’il allait bien et qu’il
allait devoir se déplacer en fauteuil roulant, le pauvre, il y a des limites.
Vous n’êtes pas d’accord ?
Je constate qu’une piètre qualité de l’information se répand de plus en
plus dans nos médias. Un contenu de fond, rigoureux, instructif et enrichissant
manque terriblement. Un constat qui me donne cette désagréable impression d’un
repli sur notre petite collectivité et de vivre dans un vase clos où tout ce qui a de l’importance
est cette information « fait divers » et la surexposition de sujets
comme le sport, la météo et le divertissement.
Comment en sommes-nous arrivés à ce grand paradoxe du manque de choses à
dire et de pensée unique dans un bassin de plus en plus grand de sources
d’informations et d’ouverture sur le monde ? Comme je l’avais déjà mentionné
dans un précédent billet, la concurrence entre Gesca et Quebecor y est
certainement pour quelque chose avec leurs objectifs de rentabilité qui
plombent la « liberté » de leurs journalistes, ceux-ci ayant la responsabilité
de « produire de la nouvelle » – lire ici « micros-contenus écrits à partir
d’infos lues, vues ou entendues » transférables sur les multiples plateformes.
Pas vraiment le temps pour eux de faire du journalisme d’investigation.
Doit-on
s'inquiéter de cette homogénéisation des contenus médiatiques ? Très
certainement d’autant plus que la « vérité » repose trop souvent dans ou entre
les lignes et les dires d’un groupuscule de journalistes-chroniqueurs* comme je
l’avais également déjà relevé. Quoique leurs
interventions dans leurs billets d’opinion puissent être fort intéressantes, il
n’en reste pas moins qu’elles sont le reflet de leurs PROPRES interprétations
de l’actualité. On les approuve, on les rejette, on les critique. Mais est-ce suffisant
pour développer une opinion et, dans un sens plus large, une culture
générale ? J’en doute. Aussi, pensez-vous vraiment qu’il est possible de
comprendre et de développer notre connaissance des enjeux géopolitiques
mondiaux avec uniquement des segments sur le thème « le monde en bref » dans
les télé-journaux ? Certes, vous me direz qu’il est toujours possible de
trouver ailleurs d’autres sources d’information plus étoffée. Malheureusement,
je ne crois pas que ce soit une initiative du plus grand nombre.
Certains pontes des médias (ici et ailleurs) diront qu’il faut donner à la
populace ce qu’elle veut voir, entendre et lire. Mais comment peuvent-ils vraiment
savoir ce qu’elle veut s’ils n’essaient pas autre chose ? Ben non, voyons,
il est préférable de lui offrir, à cette populace, de la matière soporifique ;
ça lui évite de trop penser et de se fatiguer. Et surtout de se questionner.
Attention, je ne suis pas contre du contenu plus léger que je « consomme ».
Toutefois, considérant notre paysage médiatique fort petit, j’estime qu’il est
primordial d’avoir au moins une référence fiable et de très grande qualité. Je pense
que la Société Radio-Canada, dans le cadre de son mandat de diffuseur public,
devrait jouer ce rôle. Malheureusement, elle a perdu de son lustre (je ne suis pas la seule à
le penser), et s’est détournée de sa mission première pour s’accoter au
style de ses concurrents. Alors que TVA ou V par exemple jouent parfaitement
leur rôle, la Société Radio-Canada s’est, elle, véritablement égarée.
* Je ne suis ni journaliste, ni chroniqueure, ni professionnelle des médias.