29 avril 2012

Emportés par la foule

Je n'ai jamais vraiment aimé les grandes foules, qu'elles soient joyeuses lors de festivals de musique ou criardes lors de manifestations, ce qui ne m'a pas empêchée de m'y joindre à quelques reprises. Il y a près de deux mois, le soulèvement étudiant contre la hausse des droits de scolarité nous a tous surpris, tant nous autres simples citoyens que le gouvernement libéral plus habitué à des ronchonnements collectifs qu'à de véritables prises de parole revendicatrices. Dès les premières marches au centre-ville de Montréal, je me suis jointe à cette belle jeunesse et j'arborais mon petit carré rouge en guise de soutien. Parce que j'étais contre la hausse des droits de scolarité ? Peut-être. Parce que j'étais certaine que ce mouvement social allait enfin mettre à jour un véritable débat sur le rôle et la place de l'éducation dans notre société ? Très certainement. 

Or deux mois plus tard, qu'en est-il ? On n'a pas avancé d'un iota. On ne parle pas de la mauvaise gestion des finances de nos universités, de la perte de vitesse de celles-ci - et particulièrement nos universités francophones - par rapport aux universités canadiennes.  On dit que les élèves du secondaire seront ceux qui vont payer le prix de cette hausse des droits de scolarité ? Mais parlons-en donc de cette école publique secondaire - et même primaire - laissée pour compte depuis des années, et comme dépotoir pour ceux et celles qui veulent encore y croire...

Au lieu de focaliser uniquement sur un montant supplémentaire de 250 $ par année (si on accepte d'étaler la hausse sur sept ans), peut-on aussi saisir l'occasion pour réfléchir ensemble à des solutions pour rendre l'éducation accessible à tous et innovante pour lutter contre le décrochage, pour augmenter le taux de diplômés à tous les niveaux, pour valoriser le métier d'enseignant ou celui d'éducatrice. Car c'est véritablement autour de cela que je voudrais nous voir rassemblés et, si ces solutions étaient mises de l'avant, je serais même prête à payer encore plus d'impôts même du haut de mes 45 000 $ par année.

Malheureusement, le mouvement étudiant a, depuis, été rattrapé et noyé par d'autres anti gouvernement, anti gaz de schiste, anti Plan nord, anti Charest, anti riches, anti flics, etc. Certains vont même jusqu'à parler d'un printemps québécois, comme si on avait le droit de comparer celui de nos petits malheurs à celui - grand celui-là - de peuples opprimés depuis des décennies et qui ont pris la rue au risque d'y perdre leur peau. 
Oui, la foule a de ceci merveilleux de rendre plus fort et plus beau. Mais elle présente aussi le risque de se replier sur elle-même pour mieux crier sa hargne contre tous ceux et celles qui ne pensent pas comme elle. Et c'est à ce moment-là que je ne la suis plus du tout.

15 avril 2012

J'ai 13 ans, maman

Le 22 avril, jour de la terre, elle fera officiellement son entrée dans le monde de l'adolescence, ce casse-tête qui va nous casser les pieds pendant les prochaines années. En plus de ses boutons qui se font la guerre sur son visage à la peau autrefois si laiteuse, ma fille doit composer désormais avec ces moments où le monde semble se liguer contre elle. Envie de rien et susceptibilité extrême ont désormais fait leur apparition dans notre quotidien habitué à une certaine quiétude.

Comme ces souvenirs de classe qui me sont revenus quand elle rentrée au primaire, je me rappelle maintenant à quel point mon adolescence fut douloureuse tant je n'arrivais pas à y trouver ma place. Mais peut-être y aura-t-il une chose qui va faire la différence : la communication qu'il y a toujours eu entre elle et moi, celle que je n'ai jamais eue avec mes propres parents.

Ma fille est une enfant de la garde partagée depuis sa tendre enfance et moi, je suis une mère qui n'a jamais réussi à se faire à l'idée de ne pas voir sa fille tous les jours. Et c'est véritablement à ce moment-ci de sa vie que je trouve ce deuil plus difficile. Ces moments de sa vie que j'ai perdus, j'aimerais ne plus les perdre pour pouvoir toujours être là et l'accompagner dans ses périodes de grande tristesse.  Est-ce l'instinct féminin ou maternel ? Toujours est-il que j'aime attendre que la tempête passe, j'aime la voir revenir vers moi et se blottir dans mes bras, j'aime l'entendre entamer maladroitement ce dialogue qui va pouvoir dénouer les noeuds dans la gorge et dans le ventre. Je sens alors en moi ce profond besoin de lui offrir compréhension et protection qui ont toujours été à la base de notre grande histoire d'amour. En moi s'affermit encore plus mon désir de jouer mon rôle fondamental de mère.

Ah, mais attention, sous ces états d'âme « pacifiques » se cachent aussi des scènes d'exaspération et d'impatience (de nous deux, c'est pas toujours joli...) ou encore cette désagréable impression qu'un bon temps est révolu, celui où tout était plus simple. À ses questions d'enfant (pas forcément toujours simples) comme « pourquoi les arbres perdent leurs feuilles ? » surgissent à présent de nulle part des échanges tel que :
« Que penses-tu des préjugés, maman ? ». Et moi de lui répondre très sérieusement :
« Je déteste les préjugés. Ceux qui jugent facilement les autres n'ont aucune ouverture sur le monde. »
« Donc, tu as des préjugés sur les gens qui en ont ? ».
Clac, dans les dents.

Bref, il n'y en aura pas de facile, mais ça vaut le coup d'essayer...

05 avril 2012

Ce qu'ils ont dit cette semaine...

À moins que vous les ayez déjà lues, j'aimerais partager avec vous deux opinions sur des sujets aussi différents que sont la grève des étudiants au Québec et le chaos aussi inattendu que désastreux au Mali.

Commençons par le chroniqueur au journal La Presse, Pierre Foglia, dans l'édition de ce jour. Je cite en me permettant de réduire le texte (je vous prie de bien vouloir m'excuser, monsieur Foglia) :
« Quelques étudiants me pressent de me prononcer sur leur grève. Je suis pour, bien sûr (...). Pour l'exercice en lui-même. Pour la liberté qu'ils (ap)prennent. Pour le dérangement, pour le désordre même (...). Oui, mais la hausse des droits de scolarité ? Je m'en crisse (...). Ce n'est pas bien difficile de former des avocats, des ingénieurs, des médecins, des gestionnaires. Ce qui est difficile, c'est de former des citoyens cultivés. J'entends curieux, sachant lire, organiser leur pensée, sachant formuler une critique, capables de choix culturels qui échappent de temps en temps aux diktats du divertissement. Bref, les droits de scolarité, les prêts et bourses des médecins, des ingénieurs, je m'en fiche un peu. Je trouve que c'est dans la formation des coiffeuses, des plombiers, des chauffeurs d'autobus qu'on est en train de se planter.».

La veille, toujours dans le journal La Presse, l'auteur, conteur, animateur et biologiste d'origine sénégalaise Boucar Diouf publiait  une lettre adressée au premier ministre du Canada, monsieur Harper. Encore une fois, je me permets de reprendre certains passages seulement (je vous prie de bien vouloir m'excuser, monsieur Diouf):
« En Afrique, nous avons une sagesse ancestrale qui dit ceci : « Si quelqu'un abat un baobab qui s'écrase sur la case d'autrui, il doit agir comme contremaître pendant les opérations de reconstruction. » (...). En attaquant la Libye avec vos amis britanniques et français, vous avez abattu ce maléfique grand baobab qu'était Kadhafi. Vous saviez aussi que cet arbre, solidement enraciné dans son pétrole, avait des branches qui s'étendaient sur l'ensemble des territoires habités par les Touaregs. (...). Vos alliés et vous avez offert le Mali en pâture aux salafistes d'Al-Qaïda au Maghreb islamique. (...). La France et tous ses alliés devraient être les premiers à protéger le Mali des éclats d'obus qui arrivent de la Libye.

Il y a des textes comme ça où, en quelques lignes, tout est dit. Ces deux exemples en sont la preuve.