06 février 2012

Laissons-les partir

Dans la dernière édition du journal Voir (2 février), la chronique de Tristan Malavoy portait le titre suivant « J'ai quitté mon île ». Après avoir précisé que Montréal avait perdu plus de 22 000 citoyens entre 2010 et 2011 (au profit des banlieues de la Rive-Nord et de la Rive-Sud), il préconisait d'instaurer une loi assez drastique qui, sur le thème « Montréalais un jour, Montréalais toujours », interdirait toute migration vers l'extérieur. Sur le même propos, la station de radio CIBL offrait une entrevue avec un représentant de l'Institut de la statistique du Québec, auteur de ces données qui paraissent alarmantes mais qui sont les mêmes depuis les dix dernières années.

Le journaliste de La Presse, François Cardinal, a quant à lui courageusement décidé il y a quelques mois d'alimenter un blogue sur le thème « Quel avenir pour Montréal ? ». Je précise «courageusement » car il faut l'être pour lire régulièrement et assidûment les commentaires de certains internautes en réaction aux articles d'opinion des blogueurs invités.

L'un d'entre eux écrivait dernièrement (je le cite) : « J'ai été à Montréal pour affaires il y a deux ans, et j'ai été horrifié par la pauvreté ambiante, la saleté, la laideur, les trous dans les rues. Horreur. Je ne retourne plus dans cette ville. et pourtant j'habite à vingt minutes de Montréal ».

Hum, je me demande si cette personne a déjà voyagé dans d'autres villes du monde. Se peut-il donc que la laideur, la pauvreté, la pollution ne traversent pas les ponts de l'île ? Comment peut-on penser élever le niveau d'un début de débat - pas seulement sur Montréal, mais bien de société - avec de telles remarques insipides ? Car à trop regarder son nombril, on ne peut pas voir plus loin que le bout de son nez.

Montréal n'est pas une belle ville. De prime abord. Je crois vous avoir déjà raconté à quel point j'ai eu une boule au ventre la veille de mon départ vers ma nouvelle vie au Québec. Cette boule a grossi au fur et à mesure que la navette aéroportuaire roulait sur l'autoroute, passait sous ces affreux ponts entremêlés et empruntait les rues du centre-ville. Une véritable panique m'a envahi. Je me souviens encore de l'image de ces immeubles gris près de l'hôtel Fairmount Le Reine Elizabeth... et de cette douloureuse impression que j'ai ressentie sur le fait de m'être trompée sur l'idée d'une ville que j'avais peut-être trop idéalisée.

Montréal est une ville à vivre. Tout simplement. Aucune grande cité urbaine n'est parfaite. J'ai vécu à Paris pendant quelques années, j'ai eu l'opportunité de visiter quelques villes comme Amsterdam, Oslo, Cologne, Mannheim ou encore Kinshasa. Certaines sont plus sales que d'autres, d'autres plus pauvres, d'autres ont des problèmes d'embouteillages dix fois supérieurs à ceux de Montréal. Et je ne parle pas de violence urbaine. Mais une chose les unit : leur statut de ville. « Ville » qui signifie « unité urbaine étendue et fortement peuplée dans laquelle se concentrent la plupart des activités humaines ».

Tout est dit là. Choisir de vivre à Montréal, c'est un choix de vie. Alors, arrêtons ces guerres de clochers entre fidèles et déserteurs qui plaisent tant aux critiqueurs de confession. Laissons simplement partir ceux et celles que ne supportent pas la ville, et focalisons plutôt notre attention sur les personnes et les actions qui la font grandir.

Mais attention, pour aller un peu dans le sens de monsieur Malavoy, celui qui décide de déserter l'horreur de la ville ne peut en tirer profit tout en laissant la merde aux autres. Si les activités professionnelles et de loisir restent à Montréal, il y aura toujours congestion et confusion des genres. Il est donc plus que temps de penser collectivement à des solutions pour contrer les effets négatifs de l'étalement urbain. Car tout choix a un prix.


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