01 septembre 2013

Mon samedi parmi des Arabes

On vient d'apprendre qu'une mosquée a été vandalisée au Saguenay. Le ministre Drainville vient de faire sa job en dénonçant par voie de communiqué cet acte de violence. On vient de faire la preuve d'une politique de bas étage...

La future Charte des valeurs québécoises n'est pas encore présentée que la fuite dans les médias de son annonce prochaine fait beaucoup de vagues, notamment dans les réseaux sociaux. Cet événement fâcheux à Saguenay vous étonne ?  Moi pas, tant la violence des propos sur le Web donne le pouls d'une montée de lait collective. Le premier et seul article à ce jour que j'ai écrit en tant que nouvelle blogueuse invitée sur le Huffington Post Québec, intitulé Un vent mauvais sur le Québec, m'a ainsi valu des commentaires méprisants et même haineux. Certains internautes, anonymes pour la plupart, allant jusqu'à remettre en question mon droit d'opinion étant donné mon statut d'immigrante. Et même pire, étant donné mon statut d'immigrante d'origine française...

Bien entendu, ma petite opinion ne vaut pas plus que celles des autres et j'ai tendance à être un peu naïve pour certains si l'on tient compte de mes petites anecdotes de Montréalaise d'adoption et de coeur. Car cette ville, je l'aime pour ce qu'elle est, et j'affirme haut et fort qu'au delà de son insularité, elle affiche véritablement une identité qui lui est propre, soit celle d'un espace public qui crée des ponts, de grands ceux-là, entre les diverses communautés culturelles qui l'occupent.

Idéaliste et humaniste, j'aime en effet m'attarder sur des images du quotidien, qui seront d'Épinal pour certains ou des clichés pour d'autres. Aussi, je déteste le jugement et les préjugés (une aversion que je dois à ma grand-mère pour qui il était inacceptable que je fasse entrer dans la famille un allemand - un boche (même si je pouvais comprendre le poids de la guerre sur sa génération) ou un arabe - un bougnoule; je me suis toujours promise de ne jamais sombrer dans de telles dérives xénophobes).  Des préjugés que je lis malheureusement en grand nombre dans les discussions autour de la future charte où l'on a tendance à associer automatiquement et sournoisement le voile, la religion musulmane et le danger sur les droits et libertés au Québec.

Bref, tout ça pour dire que j'avais envie de partager avec vous deux anecdotes vécues cette fin de semaine et qui, à mon avis, témoignent de ce mode de vie spécial « Montréal » qu'il est important de préserver parce qu'il témoigne de l'identité d'une ville unique en son genre. Suffit de voyager ailleurs pour le voir et l'admettre.

Samedi après-midi dans le rayon lingerie d'un grand magasin du centre-ville de Montréal. Dans le rayon des soutiens-gorge et des petites culottes, c'est un peu le foutoir. Mais il y a là une femme - teint foncé, voile et robe assez longue - qui s'affaire à remettre de l'ordre dans les rayons.  J'entends aussi une femme qui rappelle à l'ordre - en français - ses petites filles qui se taquinent et partagent leur opinion sur la marchandise: « regarde, maman, il est beau celui-là, hein ? ». L'employée du magasin et la cliente (elle aussi porte un voile qui cache uniquement ses cheveux) se croisent. Elles se mettent à se parler et la « maman » demande à l'autre la façon dont elle avait obtenu son travail. Elles ont le temps de se demander leurs origines. L'une venait de Somalie et l'autre de Syrie. Avec l'information en mains, la maman a continué de magasiner sa lingerie pendant que son mari attendait quelques mètres plus loin, comme le font souvent bon nombre d'hommes qui accompagnent leur blonde. Quelques minutes plus tard, c'est une femme d'une cinquantaine d'années d'origine asiatique qui me demande mon avis sur le choix d'un 34 B considérant la taille de sa poitrine qu'elle me pointait au cas où je ne savais pas où elle se trouvait. « Oh, vous savez, madame, entre un 34B et un 36B, il n'y a pas vraiment une grande différence ». Comme quoi, sur la planète lingerie, la quête de l'idéal est universelle...

En soirée, je me suis rendue chez Leila, Russo-algérienne, pour fêter l'anniversaire de Saloua, Tunisienne d'origine, en amour depuis peu avec Raffi, venu de Syrie. Se trouvaient à cette soirée, Nadia et Karima, Marocaines toutes les deux, ainsi que Radia, Algérienne également et son mari Amin (Kabyle). Ne manquaient que Samira, Algérienne également, mère de deux beaux enfants dont le père Fabio est Cubain, pour compléter le tableau. Hyper féminines jusqu'au bout des ongles, aucune ne porte de voile. Elles parlent un français impeccable - en plus de leur langue d'origine et de l'anglais - et occupent des postes clés dans les domaines de la finance, de l'architecture ou du pharmaceutique. Leur point commun ? Une fierté de leurs origines, un amour pour leur langue et un plaisir évident à partager leur culture (cuisine, musique, parcours de vie). Samedi soir, j'ai vécu dans un salon du centre-ville, une expérience d'interaction humaine et d'ouverture sur l'autre et ce, sans même franchir de frontières.

Dans notre monde de brutes, c'était là ma petite pause poétique du dimanche soir. Spécialité de Montréal.

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