Mon
poste de radio est constamment branché sur les ondes de Radio-Canada (un vieux
réflexe). Au cours de conversations de fond, mes oreilles se tendent parfois
lorsque des bribes attisent mon attention. Ce fut le cas ce mardi soir lors de
l’émission Bien dans mon assiette quand
Sophie-Andrée Blondin a reçu un étudiant en doctorat dont le sujet de thèse (si
je me souviens bien) porte sur les Français qui repartent après avoir vécu
plus ou moins longtemps au Québec. Bien entendu, l’animatrice a porté notre
attention particulièrement sur les nostalgies culinaires qui auraient pu peser
sur la balance de leur décision.
Je
ne reviendrai pas sur certaines raisons évoquées comme par exemple la qualité
du pain ou les saveurs trop sucrées ou salées. Sans véritable fondement, elles
ne peuvent être à elles seules à l’origine d’une décision aussi importante
qu’un retour dans son pays d’origine. Je parlerais plutôt de la difficulté de réintégrer le pays. Car si certains sont heureux de retrouver
leurs boulangeries ou leurs fromages, il semble que le retour ne soit pas si
facile que cela. Ce que je n’ai aucun mal à imaginer. Je fais référence à un
article très intéressant publié tout récemment sur le site Internet du journal
Le Monde Le
Monde.fr. On y parle du choc du retour qui s’apparente à un « choc culturel
inversé ». Intitulé L’amère patrie (excellent titre que je me suis permise de
reprendre), on peut y lire « on a la langue mais plus les codes. Et autant il
est normal de sentir étranger à l’étranger, autant il est difficile de se
sentir étranger chez soi. ». De la même façon que personne ne vous attend à
votre arrivée dans votre pays d’adoption, personne ne vous attend avec des
fleurs et un tapis rouge à votre retour.
En tant qu’immigrante, je me sens
comme une apatride fonctionnelle puisque je ne suis pas tout à fait d’ici et
là-bas, je ne suis plus tout à fait de là-bas... Cela fait pourtant dix-sept
ans que je vis à Montréal. En revanche, j’ai accepté mon statut « d’apatride », et je vous
dirais même que je l'aime. C’est comme un sentiment de liberté qui flotte
toujours autour de moi.
Je
suis arrivée à Montréal un 9 juillet avec ma valise, mon chat et… mon mari.
Attention, je ne me compare nullement à ces immigrants ou réfugiés qui quittent
précipitamment leur pays et qui doivent s’exiler pour sauver leur peau et celle
des membres de leur famille. Dans mon cas, ce fut un choix tout à fait réfléchi.
Ainsi, j’étais tout à fait préparée et prête à tout reconstruire tant
professionnellement que socialement. Aujourd’hui, je me sens parfaitement intégrée
mais absolument pas assimilée. Un terme que je hais et qui résonne en moi comme
une brisure imposée. Bien entendu, j’ai eu des moments de
doute, de tristesse, et de nostalgie. Mais ils ne surviennent pas par rapport à
mon pays d’origine mais plutôt en lien avec des souvenirs, des amis perdus de
vue, ou des lieux qui me manquent (cela fait neuf ans que je ne suis pas
retournée en France). Ces moments, je les ai encore et je crois que je les aurai toujours. Mais j’ai pour mon dire (expression que j’adore de
mon amie Audrey), ma vie, qu’elle soit à Paris, à Montréal ou à Pétaouchnok, je dois tout simplement la vivre avec ses coups durs et ses joies…
Si
des Français repartent, il y en a aussi beaucoup qui décident de venir poser
leurs valises au Québec. Il faut dire que la situation en Europe incite
peut-être à la désertion. Si je pouvais me permettre de donner des conseils à
ces nouveaux immigrants, ce serait ceux-ci: ne pensez pas trouver un eldorado. N’ayez
surtout pas d’attentes démesurées et acceptez les périodes de spleen. Ne vous
découragez pas à la première difficulté. L’expatriation, c’est comme un
mariage, après la lune de miel à l’arrivée, il faut s’apprivoiser pour vivre
ensemble, et pour cela il faut accepter les différences ou traits de caractère de
l’autre. Rigidité et attitude négative ne font pas bon ménage avec adaptation…
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