18 août 2011

Racistes, les Québécois ?

Ces jours-ci, on parle beaucoup de l'intégration et de la sélection des immigrants au Québec. Si je vais vous parler de mon expérience personnelle, croyez bien que je n'oserai jamais me comparer à toutes ces personnes qui, bardées de diplômes et qui parlent mieux français que vous et moi, se retrouvent à exercer des métiers certes tout à fait honorables, mais absolument pas à la mesure de leurs compétences. J'éprouve ainsi toujours de la tristesse quand j'entends l'histoire de ce chauffeur de taxi (un parmi tant d'autres) tiraillé entre la déception de ne pas faire vivre dignement sa famille ici et la honte qu'il ressent face à sa famille dans son pays d'origine.

N'immigre pas qui veut
Avant tout, il faut savoir que la sélection des immigrants résulte d'un processus extrêmement long et ardu.  Je fais partie de la cohorte de ceux acceptés en 1995 avec, en poche, un certificat d'immigrant permanent. Pour l'obtenir, voici un petit résumé des démarches que j'ai suivies : réunion d'information à Paris et entrevue avec un conseiller d'immigration, élaboration d'un dossier de candidature complet (état civil, expérience professionnelle, pécule financier disponible), examen médical (avez-vous la syphilis ?) et enfin paiement d'un montant d'immigration (pas mal élevé) à l'acceptation du candidat.
Durée du traitement : 1 an.

Pas de racisme, mais des préjugés
J'ai immigré à l'âge de 28 ans, j'avais déjà presque dix années d'expérience de travail derrière moi. J'ai été acceptée comme immigrante uniquement parce que j'étais dans ce que l'on appelle un marché du travail porteur (comprendre « il peut y avoir de la place pour vous »). Certains métiers étaient complètement écartés. Ainsi, si vous étiez enseignant, c'était un non d'office. Bref, débarquée à Montréal, j'ai commencé à répondre à des annonces, sans succès. J'ai passé les examens d'aptitude de nombreuses agences de placement, sans succès. Non pas que mes examens étaient ratés (bon, c'est vrai que mon accent anglais portait à sourire), mais on me répondait généralement que je n'avais pas d'expérience sur le marché québécois. Normal, puisque je n'avais pas encore commencé ! Sans oublier le fait que « les Français repartent de toute façon généralement au bout de deux ans», comme on me l'a dit à deux ou trois reprises.

Bredouille et consciente que mes économies fondaient comme neige au soleil, j'étais alors prête à travailler dans un domaine différent du mien (les communications). J'ai donc offert mes services dans les boutiques de la rue Saint-Denis. Toujours sans succès. On me répondait cette fois que j'avais trop d'expérience...

J'ai alors enfourché mon vélo et j'ai déposé mon CV au Service des ressources humaines de grandes entreprises du centre-ville de Montréal. Peu de temps après, une personne de l'une d'entre elles m'a appelée. Elle recherchait une candidate pour l'un de ses clients. C'était l'Orchestre symphonique de Montréal. Sa directrice, Michelle Courchesne, actuellement membre du gouvernement Charest, m'a donné ma chance.  J'ai débuté ma « carrière » au Québec comme assistante à la direction générale et artistique (Charles Dutoit) de l'Orchestre.

Ce fut la première expérience d'une longue série qui, 16 ans plus tard, m'a permis d'intégrer plusieurs domaines d'activité du marché du travail. Et qu'il soit français ou québécois, croyez-moi, je n'ai pas vu tant de différences. Hiérarchie, performance, reconnaissance et objectifs font partie du vocabulaire d'entreprise de part et d'autre de l'Atlantique. Et un ordinateur, ici ou ailleurs, a les mêmes propriétés.

Oui, au Québec, une certaine catégorie d'immigrants, notamment d'origine maghrébine, reste sur la touche. C'est dommage. Je ne crois pas que ce soit du racisme de la part des Québécois. Enfin, je l'espère. Ce sont des préjugés et des appréhensions qui ont la vie dure. Ainsi, comme dans toutes les sphères des relations humaines, il est essentiel de faire un effort de part et d'autre pour mieux se connaître. Immigrer n'est absolument pas facile et demande beaucoup d'humilité. Il faut être prêt parfois à recommencer à zéro, et accepter que la route soit longue avant de retrouver un air d'aller comme celui que l'on a laissé derrière soi.

2 commentaires:

  1. Catherine Fréchette21 août 2011 à 19:33

    Très beau texte chère Lydie... (depuis toute ces années, je te pensais d'Outremont... ! Désolée ! Je ne voulais pas réduire ton propos si juste... Ça m'a rappelé un certaine soirée !)

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  2. Louise Sébastien27 août 2011 à 18:50

    Je n'ai aucune difficulté à imaginer les difficultés supplémentaires que doit affronter un immigrant à la recherche d'un emploi. Mais c'est vrai que l'histoire du pauvre immigrant éternelle victime de discrimination n'est pas obligatoirement celle de tout le monde. Un jour, j'ai pris un taxi et le chauffeur (arabe ?) m'a raconté qu'au départ il était professeur de mathématiques et qu'il avait travaillé à Montréal dans une école secondaire en milieu difficile. Il avait quitté l'enseignement parce que, pour lui "il y a des choses qui sont inacceptables". Il avait l'air content de son choix...

    Louise

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