C’est
une drôle de question mais elle me trotte dans la tête depuis le 1er
événement qui a causé la mort d’un militaire à Saint-Jean-sur-Richelieu. Et
elle ne cesse de me hanter depuis la fusillade à Ottawa qui a semé l’émoi et la
mort d’un autre innocent, militaire lui aussi. Les images de ces tristes événements
m’ont bien entendu touchée comme beaucoup de monde. De là à publier la photo
des deux bergers allemands qui attendaient candidement le retour impossible de
leur maître (cf. feu Nathan Cirillo), il n’était toutefois peut-être pas
nécessaire de franchir ce pas…
Vous
remarquerez que je n’ai pas utilisé les mots « attentat » et encore moins «
terroriste » dans le paragraphe précédent. Car dans mon vocabulaire à moi, cela
n’en était pas. La tragédie qui a eu lieu dernièrement à la gare routière de
Gombe au Nigéria, en était un par exemple. Planifié, hyper organisé et destiné
à faire le plus de victimes possible dans un endroit de grande affluence, une
gare routière. Sans vouloir créer d’échelle de malheur, les événements de
Saint-Jean-sur-Richelieu et d’Ottawa me semblent plutôt deux actes isolés de
haine et de brutalité gratuite qui ont eu pour cible des représentants
officiels du Canada.
Mais je
ne veux pas jouer sur les mots ici en ce qui concerne les deux tragédies. Ce
qui m’a plutôt choquée au plus haut point, c’est l’usage de ces mots qu’en ont
fait les conservateurs sans la réserve qu’ils se devaient de respecter dans le cadre
de leurs fonctions. N’y avait-il pas lieu d’attendre les premiers résultats
d’une enquête avant d’avancer la présence d’un véritable réseau de djihadistes
au pays ? Quel message a-t-on voulu lancer avec tout ce cérémonial autour
des funérailles régimentaires de feu Nathan Cirillo en présence même du
secrétaire d'État américain, John Kerry, qui s’était soudainement intéressé à
ce qui se passe au nord de la frontière ? Pourquoi avoir immédiatement
utilisé des termes dignes de stratégies de guerre alors que le Premier ministre
Harper et son équipe savaient très bien que le peuple canadien était sans aucun
doute sous le choc ?
Mais,
monsieur Harper, dans quel monde vivez-vous ? Il y a bien longtemps que le
monde n’est plus comme avant. Des attentats, il y en a chaque jour dans
plusieurs pays du monde, lesquels font de nombreuses victimes au sein des
populations locales. Même si j’ai la chance de vivre au Canada, pays de paix et
sécuritaire, je fais partie de ce monde en dérive, et si je suis chaque jour
consciente de la chance que j’ai, je suis aussi atterrée de savoir que tant de
gens vivent dans la plus grande pauvreté ou dans la peur ailleurs dans le monde.
Et je sais aussi que le pays dans lequel je vis participe d’une façon ou d’une
autre à certaines dérives géopolitiques. Car il est évident que les pays
occidentaux, en tous cas certains de leurs joueurs, ne sont pas étrangers au
bordel qui se répand dans certaines régions du monde, notamment au
Moyen-Orient. La Syrie en est un bien triste exemple. L’or noir, les gros sous
et la vente d’armes sont au cœur de certaines « amitiés » ou « connexions »
douteuses. Avec son super ami, les États-Unis, le Canada n’y échappe pas. Et ne
parlons pas des pays européens dont la France. Comme dernier exemple, beaucoup
se sont ainsi demandé pour quelles raisons « officielles » Bernard-Henri Lévy s’était
rendu dernièrement en Tunisie (Bernard-Henri Lévy refoulé en Tunisie).
L’État
islamique est une création de ces dérives qui perdurent depuis longtemps.
Successeur d’Al-Qaïda, ce groupuscule encore plus radical instrumentalise les
concepts religieux de l’islam à des fins politiques. Je me demande ainsi d’où
vient l’argent nécessaire pour mener à bien ses actions. Pour parvenir à ses
fins, l’EI n’hésite pas à abattre ses ennemis (Les
djihadistes abattent 200 membres d'une tribu sunnite). Ainsi, les plus
grandes victimes ne se situent pas dans nos pays sécurisés. Et sont pour la
plupart du temps, ces musulmans que l’on associe trop rapidement à l’extrémisme
islamique. Comme l’a fait Adolf Hitler à une époque, ces groupes radicaux en
puissance profitent d’un état de crise sociale et économique général pour faire
de la propagande et enrôler, quitte à exterminer sans scrupule leurs ennemis.
Alors oui, je suis inquiète. Y compris de cette radicalisation de jeunes et de moins
jeunes.
Toutefois,
je n’adhère pas aux propos du gouvernement conservateur. Je n’adhère pas au
fait que le Canada s’associe sans hésiter à la force de frappe aérienne décrétée
par les États-Unis. Si la menace que représente l’EI est bien réelle sur le
terrain, il y a aussi beaucoup de gens qui sacrifient leur vie pour le combattre et qui vont être des victimes collatérales de ces frappes aériennes.
Le bordel n’en sera que plus grand. Cela aurait été bien que notre pays
démontre un véritable pouvoir d’influence pour penser avec ses alliés, y
compris musulmans, à une solution politique. Ce qui n’empêche pas bien sûr nos
services de renseignements déjà fort compétents de rester vigilants, comme ils
l’avaient été avec les auteurs des derniers drames. Mais pensez-vous vraiment qu’il
aurait été possible pour eux de prévenir les actes de folie de Moncton,
Saint-Jean-sur-Richelieu et Ottawa ? Isolés, ils me font plutôt penser à
des actes suicidaires de personnes d’abord au bout du rouleau psychologiquement
avant d'être des adeptes de l'EI. Alors, s’il vous plaît, monsieur Harper, ne
profitez-pas de telles situations pour jouer les gros bras avec l’Oncle Sam.
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