20 juin 2013

C'est officiel: la cuisine surpasse la culture dans les médias.

Ça s'est passé lors de l'émission 125, Marie-Anne de Christiane Charette diffusée sur Télé-Québec le 26 avril dernier laquelle, à un certain moment, a regroupé autour de la table Gilbert Rozon, Geneviève St-Germain et Frédéric Martel, chercheur, écrivain et journaliste français. Cette réunion improbable avait pour sujet de discussion une expérience commune à tous les trois : l'opportunité qu'ils avaient eu d'assister la veille à une « conférence » (entre 9 et 15 minutes) de l'ex-président français Nicolas Sarkozy au Palais des congrès de Montréal. Quelles étaient donc leurs impressions ? Les réactions spontanées et les commentaires dithyrambiques de Gilbert Rozon et de Geneviève St-Germain m'ont véritablement frappée; nul doute, ils étaient véritablement impressionnés et emballés par le talent d'orateur du monsieur et par sa capacité à donner un avis tranché sur n'importe quel sujet, notamment économique ou géopolitique (c'est son métier quand même). Des qualités qui en faisaient un homme «extrêmement intelligent» selon les dires d'un monsieur Rozon complètement séduit. Jamais, lors de ce tour de table, il n'a été question des thèmes que monsieur Sarkozy avait abordés. Cela aurait pourtant été intéressant alors qu'il s'agissait d'une conférence ultra privée et que les représentants de la presse n'avaient pas été conviés à la demande du principal intéressé. Non, c'est uniquement la verve de l'homme qui a primé. J'aurais espéré plus de la part de madame St-Germain qui n'a pourtant pas la langue dans sa poche et qui sait exposer des opinions tranchées.

En même temps, la nature de la discussion ne m'a pas complètement étonnée car elle est représentative de  ce phénomène encore ancré au Québec, ce fameux complexe d'infériorité quant à nos formes et nos forces d'expression. Or, posons-nous la question suivante : que faut-il pour bien s'exprimer ou pour s'engager dans une conversation au sens large du terme ? À mon humble avis, il est nécessaire d'avoir une bonne culture générale, un sens aigu de la curiosité, et une ouverture d'esprit sur le monde qui nous entoure.  Avec ce bagage, il me semble qu'on l'on peut se frotter aux opinions des autres. Attention, je ne parle pas ici de niveau de langue ou d'intellect (mot à proscrire au risque de se faire catégoriser  en tant que prétentieux). Mais comment peut-on acquérir ce bagage de connaissances ? Par les livres, par les voyages, par des conférences, par des rencontres, par les médias, etc. La palette de choix est grande.

En ce qui me concerne, ma source préférée, ce sont les médias en tous genres. J'en suis une passionnée. Est-on bien servis au Québec ? Ça dépend. Pour ce qui est de l'information locale et du showbizs, très certainement, pour l'actualité internationale, moins. Pour ma part, je dois dire que je me sens un peu affamée. Je ne rentre pas ici dans les fameux débats sur la différence des médias traditionnels et des nouveaux médias ou sur le rôle des journalistes et des chroniqueurs. Je suis affamée car j'ai cette désagréable impression que l'on me sert un grand flux de nouvelles certes, mais pas toujours les bonnes ou pas toujours suffisamment étoffées pour me faire une opinion. À moins que ce soit le temps qui me manque pour le faire. L'information est à peine livrée que l'on passe déjà à autre chose. Cette façon de faire n'est pas l'apanage du Québec je le sais bien, alors que ce phénomène de multiplication des nouvelles touche tous les pays du monde. Mais au Québec, société distincte de vocation, en est une également en termes d'information journalistique. Nos centres d'intérêt tendent principalement vers les faits divers, les sports (plutôt le sport car il s'agit principalement du hockey) et la météo. Il y a de quoi ressentir parfois un sentiment de vide... intellectuel, non  ? Attention, je ne fais pas ce constat sur la seule base de ma propre perception, il y a des chiffres et des études qui démontrent la pauvreté de l'information médiatique au Québec. Si vous avez un petit moment devant vous, je vous invite à écouter la conférence ci-dessous présentée par Éric Montpetit (professeur titulaire et directeur du Département de sciences politiques à l'Université de Montréal) et Jean-François Dumas (Influence Communication).  Pas très reluisant.




En termes de couverture de presse et de niveau d'intérêt, sachez que la cuisine a officiellement surpassé la culture, c'est tout dire et c'est une tendance qui ne semble pas faiblir. Quant aux nouvelles concernant le reste du Canada ou l'actualité mondiale, elles ne sont que survolées. Pas intéressant puisque ça ne se passe pas chez nous... Lors de la conférence ci-dessous, on appelle cela une information de proximité. Bien de chez nous. « Une proximité émotive et géographique » précise monsieur Dumas. C'est aussi simple que cela. 

Mais alors, comment fait-on si on recherche des articles de fond ? Comment peut-on refaire le monde autour d'une bonne bouteille de vin si on a aucune connaissance de ce qui se trame ici et ailleurs ? Quelle est la responsabilité de nos entreprises de presse (engagées dans des stratégies de convergence) qui, par quête de profits, utilisent des contenus multiplateformes, sous-estiment le travail des journalistes et n'hésitent pas à mettre le couperet sur des émissions soi-disant trop chères à produire (j'ai en tête l'arrêt brutal de l'extraordinaire émission Une heure sur terre) ? Quel est notre rôle, en tant que consommateur de médias, dans la valorisation d'une information de qualité ? Nous donne-t-on  finalement l'information que l'on veut recevoir  et que l'on mérite ?

Si je veux rester informée, je suis consciente que j'ai des devoirs à faire, mais je suis d'avis aussi je suis en droit d'avoir - notamment de la part de notre diffuseur public - des émissions d'affaires publiques de qualité qui ouvrent des pistes de réflexion. Des tribunes qui ne donnent pas toujours la parole aux mêmes intervenants ou vedettes du petit écran ou du micro, mais aussi à des quidams qui méritent d'être entendus ou à des sommités dans leur domaine (je pense par exemple à monsieur Sami Aoun spécialiste et excellent vulgarisateur du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord). En plus de jeux et de divertissements, j'ai besoin de débats et d'échanges d'opinions, quitte à ce que l'on monte le ton ou que l'on détone. Ça peut être tout aussi divertissant. Pour vous en convaincre, ré-écoutez l'entrevue Catherine Perrin et Claude Gingras (Médium Large) qui a eu lieu cette semaine. Quel personnage quand même, ce monsieur Gingras.

Je vais vous faire un aveu. Savez-vous quelle est la chaîne de télévision qui m'interpelle avec certaines de ses émissions ? MAtv. Oui, oui, la chaîne câblée informative et citoyenne de Vidétron dont on aurait tout intérêt à reproduire certains de ses formats et thèmes d'émissions, cette fois autour de l'actualité nationale et internationale.

Ah oui, j'allais oublier. Quand je parle de débats de société, je ne pense pas particulièrement aux combats de coqs comme celui qui a pris naissance il y a quelques jours entre Marc Cassivi, chroniqueur culturel du journal La Presse et Simon Jodoin, rédacteur en chef du Voir. Ou encore plus récemment le petit tollé autour de l'article sensationnaliste de Judith Lussier publié dans le journal Métro dans lequel celle-ci s'en prenait aux professionnels des relations publiques pour justifier le peu de crédibilité de la candidate à la mairie de Montréal, Mélanie Joly. Mal avisée, la journaliste n'a pas manqué de recevoir une volée de commentaires de ceux et celles qu'elle avait si facilement fustigés.

Pendant ce temps, a-t-on véritablement parlé du néant qui caractérisait le discours et le programme de ladite candidate ? Ben non, on avait autre chose à faire avec cette petite chicane qui a mis le feu aux poudres et qui s'est éteinte comme un feu de paille...

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